Sensationnel. L’article pourrait se résumer à cet adjectif, mais pourrait également faire l’objet d’un livre entier : nous allons toutefois essayer de rester mesurés et par ces mots résumer pourquoi nous sommes totalement convaincus, que vivre l’expérience gastronomique du Clos de Sens se doit d’être honorée au moins une fois dans sa vie. 


L’élégance de la salle est intrigante : d’un standing indéniable, la rigidité et la prétention n’y ont pour autant par leur place. On se sent à l’aise, avec un véritable sentiment d’intimité, grâce aux tables disposées pour le permettre.

Accueillis par une déclinaison d’amuses, elles concentrent ce que le dîner nous offrira : puissance, simplexité (contraction de simplicité et complexité), le tout centré autour du végétal. On retiendra particulièrement cette bouchée herbacée providentielle : un bouquet d’herbes, fleurs, et aromatiques porté par des bulles du Domaine Belluard, parmi les seuls producteurs à réaliser des bulles dans cette région depuis 1947. 

Pour accompagner l’ouverture du dîner, une belle miche de pain au levain naturel s’invite à notre table, que nous dégustons arrosée d’une roussette de Savoie du domaine de Chevillard, révélant les notes acides et de foin de la mie doucement levée. 

La suite, une envolée gustative, une prouesse esthétique autour du champignon de Savoie. Une dentelle s’invite à notre table, déclinaison du champignon sous toutes ses coutures : crus, en purée, en gelée, en poudre, les eucaryotes forment un sacré duo avec les échalotes en compotée. Cette assiette témoigne d’une incroyable complexité avec pourtant une grande simplicité à la dégustation. Un Anjou 2018 du Château du Bois-Brinçon nous est servi pour porter les notes boisées de cette assiette automnale. 

Une salade de fleurs, aromates et écrevisses s’installe ensuite : d’une beauté déconcertante, les fleurs sont placées en déclinaison sur une tuile dentelée comme sur un piédestal. Cette assiette ludique et fraîche nous permet de reconnaître des monardes, fleurs de thym citron, fleurs de pois artichaut, agastache, bourrache, fleur d’ail, tous issus du jardin de Lionel. En dessous de ce bouquet florissant, l’écrevisse s’y camoufle comme dans son habitat naturel.

C’est au tour d’un plat signature de Laurent Petit de faire son entrée : sa tarte au chou et lavaret fumé et sauce aux oeufs. Après 3h de fumage au bois de hêtre, ce poisson sauvage est dressé sur un chou et cuit à basse température en confit avec de l’huile d’olive. Cette assiette d’une gourmandise incalculable, conjugue avec brio gras, acidité, tendreté, croquance… Le choc frontal entre la fraîcheur végétale, le gras-salé du poisson et les feuilles croquante du chou approche le sublime. Claire Naudin lui fait honneur avec un Haute Côtes de Beaunes, cuvée Orchis en 2015 : il lui fallait forcément un vin beurré, franc et généreux pour l’accompagner, un très bel accord.

Grâce à un service d’excellence, les séquences sont rythmées et s’enchaînent à la cadence souhaitée. 

Tout droit sortis des sous-bois, les cèpes de Glières, s’acoquinent avec les cynorhodon et du chou vert, une transition végétale aux notes noisettées pour annoncer un plat sombre et giboyeux, concentré de nature brute.
A l’odeur l’assiette à tellement de puissance que le chef a voulu préparer le palais. On comprend dès la première seconde que ce ne sera pas une assiette simple : place au Boudin noir de Chevesne et sa mondeuse bisquée. Esprit “boudin” par ce poisson compliqué qu’est le brochet, servi avec des figues rôties et vinaigrées et une Mondeuse de Savoie qui réveille la salinité de l’assiette. A la dégustation on sent de la résistance, de la texture irrégulière : sachant pourtant que nous sommes en terres salines, cette assiette transpire le gibier et la puissance. Une expérience absolument déroutante mais ô combien intéressante. Pour lui tenir tête, un Langhe Rosso en 2014, Luca Roagna, aussi poignant que l’assiette. 

Pour atterrir et transiter en douceur, un sorbet tomme blanche et cynorhodon : une bascule très bien sentie en terre laitière vers les fromages du Pays de Savoie, servis sur des Côtes du Jura du Domaine Pigner en 2016. L’assiette de fromages est accompagnée d’une salade d’aromates : sans dévaluer la qualité indéniable de ces derniers, ils sont en train bonne compagnie avec la salade d’herbes savoureuse et bien troussée, qui impose sans timidité son profil aromatique.

Vous connaissez notre amour pour les pré-desserts et desserts légumiers qui forment une transition parfaite depuis le versant salé : ici Laurent Petit nous régale d’une assiette autour de l’estragon en sorbet et le fenouil, suivi d’une tarte fine chicorée pour substituer les saveurs torréfiées du café (forcémment importés). Au Clos des Sens, les desserts sont ludique, joueurs et constituent une vrai continuité avec le menu : contrairement à beaucoup de restaurants gastronomiques, qui semblent oublier que les desserts doivent être le prolongement d’un menu, Laurent Petit suit sa ligne directrice et poursuit sa quête de valorisation des produits de son terroir. 

Pour nous régaler une dernière fois en toute simplicité, madeleines sorties du four servies à la plaque et bonbons glacés aux aromates du jardin : merveilleux, gourmands et frais. 

Pour conclure 

Laurent Petit a sublimé l’art de retranscrire un terroir ultra-local à travers l’entièreté du voyage gastronomique qu’il propose. Champignons du coin, herbes en tout genre des montagnes environnantes, légumes du jardin, produits fumés maison… On a la sensation de manger la promenade du jour.

Ici le produit n’est pas roi, il est carrément élevé au sacré… l’amour profond et total pour la nature et ce qu’elle a à offrir touche en plein cœur : c’est une cuisine d’émotion, destinée à réveiller les sensations les plus profondes et sauvages chez chacun d’entre nous.



Actuellement, vivez les Nuits Etoilées les vendredis et samedis soir, avec un service gastronomique en chambre identique à celui prodigué en salle habituellement. 

Adresse : Le Clos des Sens
13 Rue Jean Mermoz,
74940 Annecy