Cuisine de saison et potager

Le château de Berne n’est pas seulement un lieu de villégiature en Provence mais aussi une table renommée : Le Jardin de Berne misent tout sur la qualité des produits du terroir local. Entre l’huile d’olive et les vins du domaine, les fromages issus de la chèvrerie du château Saint-Roux même propriétaire), les fruits et légumes cultivés en agro-écologie sur le château… la table du château s’appuie sur ses racines bien solides. Le résultat : Une cuisine de sagesse, d’intelligence et de bon sens délaissant les codes surannés de la cuisine gastronomique telle qu’elle est souvent présentée.

En cuisine on retrouve une équipe dotée des meilleurs savoir-faire sous la tutelle de Louis Rameau ayant récemment repris les rênes du restaurant et Eric Raynal, chef pâtissier qui réalise des merveilles avec sa brigade et Ludovic Bernard chef boulanger.

Toute les tables nappées de la maison sont orientées vers le patio de sorte qu’aucune gêne ne se crée entre les clients, chacun conserve son intimité : un vrai luxe.

Le produit est roi : la part belle au végétal

On démarre le périple sur des amuses 100% végétales, portées par les légumes du potager : Chips de fenouil, gnocchi de pomme de terre en cromesquis, courgette menthe mascarpone graine de courge, une proposition de betterave chioggia et son insert à la noisette absolument démente et en apothéose la fausse olive, fromage de chèvre du domaine piment pour les noirs et sariette pour les vertes.

A peine le temps d’atterrir qu’une magnifique miche dodue débarque sur notre table. A nous de casser la croute pour découvrir ses effluves sauvages et herbacées : ce pain au levain accompagnera notre dîner et viendra s’acoquiner avec un réel plaisir régressif à la divine huile d’olive du domaine. On joue aux mouillettes, la salive aux lèvres, jusqu’à ce que la salade d’encornet ne vienne prendre détourner notre attention.

Elle est dynamisée par les saveurs franches de la marjolaine et adoucie par un caviar d’aubergine fumé ainsi qu’un croustillant de tentacules. Pour couronner l’ensemble : un vinaigre balsamique français venant réveiller la salinité de l’assiette (une incroyable découverte, que le chef attentionné nous réservera pour la suite). Ce sera le rosé Terre de Berne rosé qui accompagnera nos entrées.

C’est au tour des haricots vert de Patrick Tordjman, surplombés par se beaux morceaux sélectionnés de langoustine qui viendront ensuite : la carcasse en sabayon vient se poser sur le dressage… Notre serveur du soir laissera la saucière sur la table, une marque d’attention devenue rare dans les restaurants parisiens qui délaissent trop souvent la gourmandise au profit du minimalisme. Ici que nenni, on saucera même la soupière (discrètement promis)

Un grand plat pour poursuivre, incarnation aboutit de l’identité du restaurant : la Fleur de Courgette, farcie au cèpes et son bouillon de champignon. Une assiette simple d’apparence, mais dont les associations sont toujours aussi réjouissantes : le triptyque courgette, champignon, brebis fonctionne divinement bien.

Les plats principaux seront de chaires : une truite de l’Athanor confit au gras de guanciale, servie dans plus simple appareil avec de l’ail des ours. En voyant le pavé, on pourrait craindre le « trop gras » pourtant en bouche c’est tout l’inverse : tendreté, délicatesse et volupté.
Accord magistral avec notre vin coup de coeur du Domaine : un Rolles en 2015 aux notes florales prononcées qui tiendront tête avec brio à la bien bête.

La suite transitera vers un agneau de Pascalone confit en croûte de pain d’un côté et un risotto végétarien potager improvisé de l’autre côté. Deux assiettes très abouties, d’une efficacité déconcertante.

En transition vers le dessert, de quoi nous destabiliser : une pomme de terre fumée avec de l’ail noir cuit pendant 3 semaines à 70°C, crème de lard, moutarde. Proposition audacieuse, d’un niveau de délactibilité maximal. Une proposition qui ne peut que nous rappeler les ovnis de transitions vers le versant sucré proposés par David Toutain dans son restaurant 2*.

Un univers sucré d’une grande subtilité

On retrouva dans les desserts une intention de jardin : glace petit pois accompagnée de cerises et surplombée d’une délicate poudre de petits pois. Une transition un peu plus affirmée vers le versant sucrée très bien amenée.

Viendra ensuite la proposition Noisette, un très grand dessert signature : une ode à ce fruit sec, décliné ici en plusieurs textures et enroulé dans de délectables gavottes. La noisette sera joliment boostée par le citron vert réveillant ses notes terreuses.

En clôture, un joli branchage dévoile les mignardises finales :une sucette de tarte au citron meringuée, une petite tarte aux fraises et des cerises pistache. On ne pouvait rêver mieux que de clôturer ce si beau dîner avec des notes de fruits. On apprécie le fait que le chef ne soit pas tomber dans cliché chocolatier, systématiquement présent en fin de repas.

Pour conclure :

Le Jardin de Berne nous aurons conquis pas seulement grâce au potager du château se retrouve dans toutes les assiettes, mais aussi pour l’élégance des recettes qui se focalise sur le Produit avec une nouvelle star dans chaque assiette. Avec des créations puissantes, toutes les propositions sont une ode au terroir local, l’incarnation du vivant et de ce que devrait être la cuisine moderne de bon sens. Longue vie à ces jardins d’Eden et à la cuisine si aboutie de Louis Rameau (un petit effort sur le service et la 2ème * arrivera).