A la frontière de la Bretagne, en Loire Atlantique, au milieu du parc sauvage de la Brière, où les volatiles règnent en maitre sur leurs marécages, un univers parallèle s’est créé et développé au cours des dernières décennies.
A l’origine de ce micro-big bang : Eric Guérin, chef-cuisinier décalé, à la personnalité à la fois touchante et puissante, qui aime sortir du cadre… Nous avons séjourné une nuit à l’Hôtel 4* et dîné à la table incontournable.

Un voyage gastronomique

Situé dans au coeur de cette maison mythique et mystique, le voyage gastronomique commence par le contre-salon, une petite salle cosy façon cabinet de curiosités, espace originel de la Mare aux Oiseaux où le chef à démarré son aventure.
L’heure étant à la découverte, on se laissera guider par les recommandations portant sur le cocktail maison : vodka, sirop de basilic maison, framboise, poivre de tumut et procecco. De la fraicheur et de la puissance, pour entamer le périple, de quoi réveiller les papilles.

Pour s’ouvrir l’appétit, une déclinaison d’amuse-bouches bien sentis et travaillés  : anguille et algues, pomme de terre en deux textures, jambon-beurre revisité… De quoi attiser notre curiosité pour la suite. Quelques « banalités » échangées avec Eric plus tard (dans le désordre : art, voyages, Afrique et magie noire…), nous nous installons dans la grande salle à manger, nez plongeant sur une magnifique cage aux oiseaux ancienne, où nichent deux perruches, nos fidèles acolytes de la soirée.

Une suite d’assiettes singulières

Bien accoudés à notre table, et fait connaissance avec notre couteau de morta, qui nous accompagnera tout au long de la soirée comme pour un voyage. Il l’inaugurera d’ailleurs avec un excellent pain (froment sarrasin) / beurre.
Le menu du soir nous proposera deux pré-entrées, une morille charnue, vinaigrette, ciboulette, fleur d’ail… une balade en forêt, boisée et vivifiante. Dans le verre le verre, et pour appuyer les notes aromatiques de nos mises en appétit, nous retrouvons le domaine alsacien Josmeyer avec un très élégant Riesling 2014 : Les Pierrets.

Le diner décollera véritablement avec les deux entrées qui suivront : huitres de la région, ravioles de pomme, petits pois et lait d’huitre ; et une autre composition d’asperges dressées et leur gourmand jaune d’œuf surprise, qu’on ne spoilera pas. On peine agréablement, à trouver des repères dans ces improbables propositions extrêmement goûteuses et surprenantes, qui fonctionnent étonnement bien et parviennent a trouver leur équilibre en bouche

Le déboussolement atteindra son paroxysme avec cet OMNI (Objet Mangeable Non Identifié), tartare de veau, avocat, homard, tomme de la ferme du Bois Joubert. Tous les ingrédients sont fins et doux, si bien que l’on parvient à les distinguer individuellement malgré la complexité de la composition. Mais c’est bien l’harmonie qui prime et « perturbe », les papilles s’interrogent avec des sensations umami, qui renvoient étonnamment à des moments japonisants. En face, je me délecte d’une une assiette iodée, avec une version du poireau toute en tendresse du poireau rémoulade,, un plat “rien n’est perdu” où le chef réutilisera toutes les parties du poireau.

On continuera le voyage avec un carrelet, écaillé de radis, et accompagné de pomme de terre nouvelle, compotée d’oignons, et framboises porté par un Macon Chaintre. Avec son visuel très engageant, l’assiette sera pour moi l’apogée du du repas : la justesse des saveurs, l’équilibre parfait des textures entre la croquance du radis, et la fondance de la chair…
Un peu plus loin, une gourmande selle d’agneau, farcie aux escargots, accompagnée d’une tourte quinoa-courgettes qui manquera un peu de pep’s et d’une crème à la menthe. Malgré la qualité incontestable de la chair, cette assiette sera peut-être la moins lisible, par un manque de cohérence entre la tourte et l’agneau. Le Saint-Emilion grand cru du vignoble Catherine et Philippe Cohen parviendra tout à même à convaincre nos papilles de prolonger l’expérience.

On succombera donc à la fourme de chèvre et ses jeunes pousses, et la fourme d’Ambert, chocolat blanc, truffe, deux assiettes qui une fois de plus mettent à mal les codes classiques de la gastronomie, en proposant le fromage dressé à l’assiette. On apprécie cette attention particulière, de sublimer une typologie de fromage par une composition propre au chef, qui part du produit et réfléchit à ses meilleurs associations pour lui faire honneur.
Pourquoi est-ce d’ailleurs si rare de voir travailler les fromages au restaurant ?

Des desserts d’artiste

Alors que l’appétit commence cruellement à se raréfier, on sait qu’il faut absolument tenir bon, et garder de la place pour les desserts de Rodolphe Groizard, un véritable chef-patissier-artiste aux créations visuellement surprenantes. On ne sera pas déçus de l’expérience, notamment avec la forêt-noire tout droit sortie d’un conte de fée. Un peu tapageurs, ces desserts dynamite séduiront par leur audace et leur gourmandise.
Enfin, pour clôturer ce voyage, quoi de mieux que les transcendantes tisanes et infusions de l’Amante Verte, que nous sommes allés visiter ?
C’est donc avec plaisir que l’on boira nos infusions, qui nous seront servies selon un processus élégant et bien rôdé.

Conclusion

Il y a quelque chose de viscéral, d’à la fois juste et de troublant dans la cuisine du chef Eric Guérin. D’improbables harmonies sont créées autour d’accords inédits, qui valorisent avant tout les meilleurs produits et producteurs régionaux. On dîne à la Mare aux Oiseaux comme on flotte dans l’espace, hors du temps et en apesanteur. En compagnie de Robert, l’intrigante et intriguée « Grue Royale », aussi improbable dans sa mare aux oiseaux Briaroise qu’Eric Guérin dans le paysage gastronomique français…

Psst : également derrière le restaurant étoilé le Jardin des Plumes à Giverny, Eric Guérin a surtout ouvert il y a peu de temps un bistro le Café du Musée d’Arts de Nantes, où il rapproche sa cuisine de l’art, avec la promesse de manger “100% nantais” !

La Mare aux Oiseaux : 223 Fedrun, 44720 Saint-Joachim