Un grand chef
Antonin Bonnet, chef engagé de nature est à maître à bord du vaisseau Quinsou, installé dans le 6ème arrondissement, qu’il pilote aux côtés de trois femmes chefs de talent. Ils y infusent dans leurs initiatives gastronomiques beaucoup d’éthique, au service d’une cuisine délibérément responsable : le résultat est saisissant de bon sens et de justesse, comme si le positionnement Quinsou devait être une évidence.
Passé par de grandes maison à l’Instar de L’oustau de Baumanière (grand dîner 4 mains avec le chef Glenn Viel), Michel, Bras, Antonin Bonnet s’est aussi ouvert les capteurs en exerçant son métier à l’étranger (LA et Londres) avant de s’ancrer à Paris.
Ne vous fiez pas à la discrète élégance du lieu : ce néobistrot réunit toutes les caractéristiques des très grands. On traverse une salle toute en longueur, à l’atmosphère douce et chaleureuse où se côtoient les matières brutes pour s’installer à notre table. Découverte d’une carte courte et léchée, déclinant des assiettes saisonnières et militantes : du local, du frais, du sourcés. Le chef propose en ouverture de bal du pain maison, initiative honorable, encore dépassée par une exigence de sourcing irréprochable : l’utilisation des farines de Roland Feuillas, pointure boulangère installée à Cucugnan que peu de chefs ont la chance de convaincre (Eric Frechon au Bristol par exemple).
L’attention aux produits
Avec une enfance au coeur de la nature en Lozère, bercé par le rythme d’un potager familial, on est pas surpris de voir qu’Antonin Bonnet travaille les légumes du Château de Courrances. On le retrouve en introduction de notre repas avec une entrée déroutante : poireaux, coques, oeuf mimosa, gelée iodée infusée à la bergamote. Le dressage tout en finesse fait envie et renvoie à la palette d’un peintre : déclinaison de couleurs claires et douces, rehaussée par le vert du végétal et de la sauce profonde – même relief en bouche. Dans les verres, un Jurançon sec du Domaine de Souch pour porter avec justesse l’amertume naturelle des poireaux. En pleine saison, les Saint-Jacques de Saint-Malo rôties font trempette dans une purée de céleri à la sauce champagne. Une assiette tout en tendresse, joyeusement chatouillée par un Savagnin de Peggy et Jean-Pascal Buronfosse.
Des visuels très engageants au service d’assiettes rigoureuses
On continue avec les plats aux visuels toujours aussi engageants :
Le lieu noir de Saint-Guénolé, chou kale et sauce Thaï. L’assiette débarque encore fumante et déploie des parfums qui chatouillent les narines. Le premier essai fait sensation : une chaire cuite à merveille, venant délicatement se déliter dans la sauce baroudeuse, rendue gourmande par la purée qui la précède… Le plaisir d’une grosse mouillette laissera l’assiette immaculée.
Une autre déclinaison plus racée cette fois, avec l’épaule d’agneau de Vendée, endive braisée à l’orange, purée de Rutabaga, coing et oseille. Une proposition extrêmement goûteuse, parfois surprenante, avec un équilibre très bien dosé entre la sucrosité du coing, le rutabaga et l’oseille. Chapeaux bas.
On termine par la case dessert de ce menu en trois étapes aux timides 38€. Un mont-Blanc version modernisée (allégé), associé au Thé Vert Matcha d’une très grande délicatesse. Une recette revisitée toujours aussi plaisante à savourer, les artifices inutiles en moins. De l’autre côté, la simplicité maîtrisée avec une crème caramel, servie dans son plus simple appareil et accompagnée sur le côté d’une poire confite et granola pour apporter la croquance, liant du dessert.
Pour conclure :
Quinsou est une table délibérément moderne et irréprochable, les pieds bien dans son temps, tout en conservant une approche rationnelle de la cuisine bien faîte. Antonin Bonnet sait piloter sa cuisine avec une maîtrise parfaite, qui évolue au fil des saisons. Une grande table, bien au delà de l’étoile.
A quelques mètres de là, ne passez pas à côté de la boucherie Grégoire, un commerce historique qu’Antonin Bonnet à repris, où il applique ces mêmes traceurs de responsabilités environnementales et sociétales : les sauces, bouillons et autres bases de la cuisine de Quinsou réutilisent les chutes et restent de la boutique.
Sans conteste la boucherie la plus cool de Paris avec Nova en fond et une fine et pointue sélection d’épicerie non viandante !
Adresse : 33 Rue de l’Abbé Grégoire, 75006 Paris
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