Le Clair de la Plume table gastronomique du restaurant éponyme, a adopté une philosophie locavore incarnée par le chef Julien Allano, qui pioche dans les meilleurs produits que sa région a à offrir, pour constituer chaque jour son menu. Sensible à la gastronomie raisonnée et à une consommation réfléchie, il n’hésite pas à orienter sa cuisine vers le légumes, délaisse les graisses et sucres traditionnels au profit de meilleurs produits, aussi bien pour la santé que pour l’environnement. Ses fournisseurs s’appuient sur des méthodes agricoles plus douces et respectueuses de la terre et des animaux. Une maison donnant beaucoup d’espoir, une invitation à la réflexion et la pleine conscience.

Il recevait ce jour-là comme invité le chef Glenn Viel, ancien commis au Meurice et chef exécutif au Cheval Blanc pour ce citer que quelques maisons. Depuis son arrivée au Baux-de-Provence, à L’Oustau de Baumanière (double macarons), il exerce son métier de chef au coeur d’un potager de 6 hectares, où lui et ses équipes produisent les légumes constituant les assiettes du restaurant.

Le menu qui nous sera servi dans ce quatre mains cultive le métissage avec déclinaison de classiques à la française et des plats d’inspiration local. Le dîner sera porté par les vins du Domaine Les Terriens et les bulles de la Maison Collet (accords orchestrés par les fascinants Fabrice Langlois et Guido Vacca).

Ode au végétal

On sera d’abord accueilli par une magistrale déclinaison d’entrées, signature du Chef Allano, incarnant son idée de la cuisine locavore : feuille d’huître, crouton, pickles d’oignons ; un peu plus loin une tartelette aux pois chiche locaux relevé par une puissante poutargue ; en hauteur, un promontoire dédié à l’olive avec des huiles d’olive macérées de Nyons (terroir local oblige) et une ganache d’olive noire bien concentrée, révélant les arômes les plus gourmands de l’olive. De belles miches de pain produite à 44 km par la Famille Girardon pour accompagner l’ensemble, s’appuyant sur des céréales bio et pauvres en gluten.

La première assiette 100% végétale fera évidemment sensation par son incroyable dressage. Un millefeuille de légumes crus et en pickles, délicieusement accompagné d’une déclinaison de trois condiments végétaux. Outre la qualité visuelle intrinsèque de cette assiette, l’effet en bouche est sensationnel par la déclinaison de textures, la fraicheur et la lisibilité des saveurs. L’accord se fera avec le vin le plus croquant de la gamme des Terriens : un Viognier 2018, cuvée « Au-Delà », IGP des collines rhodaniennes. Les arômes gourmands et sans acidité du vin portent à merveille les carottes, céleris et betteraves de ce prodige de millefeuille légumier.

Quand l’iode s’invite à table

On pense ensuite dans l’univers du chef Glenn Viel avec une assiette signature qui fera mouche tout autour de la table. « Les Couteaux, les pieds dans l’eau »  est une une assiette signature à la fois simple et complexe, fruit de plusieurs années de maturation ! Les couteaux sont enfagottés, dressés à la verticale, pataugeant dans un jus corsé, lui même infusé par du basilic frais cuit et imbibé. Sur le côté, des chips de pain croustillantes comme une algue séchée.
Dans le verre, un Crozes hermitage sera servi pour contrer les notes grasses et salines des couteaux, stars de l’assiette. Un accord en rondeur aux finales fraîches, parfaitement réussi.

Le temps d’atterrir après cette assiette coup de coeur, on reste en mer avec cet improbable rouget et sa sauce civet, vin rouge, arrêtes et foi de rouget. On y retrouve comme un clin d’oeil le fabuleux ketchup de carotte du chef Allano, accentuant visuellement et gustativement la profondeur quasi-sanguine de l’assiette. En accord, un Saint-Joseph, « Montagnon » 2016, au notes de cerises, avec un tanin fin à même d’accompagner la subtilité du rouget.

Atterrissage sur terre

Retour sur la terre ferme avec le pigeon des Costière, dans un nid de foin, champignons de Paris légèrement fumés et relevée d’une touche d’abricot pour apporter une douce acidité. En accord, un Brezème 2017, « Les Bérengères », plus expressif que le précédent Saint-Joseph, choisit pour son profil aromatique riche, à même de s’harmoniser à la chaire du pigeon !

Place aux desserts

En guise de premier dessert, une étonnante proposition autour du pain, servie avec une crème croissant. Cette transition vers le dessert sera portée par des bulles de la Maison Collet : Millésime 2008, collection privée, aux délicieuses notes de tilleul, bergamote, avec un pinot noir qui amène la structure et la délicatesse. Ce dessert exprime de la rondeur et du vécu, avec un côté mielleux sans être trop sucré, accentuant ainsi les notes toastées.

En apothéose, le chocolat de la Maison Cluizel, seule digression non-locavoriste du dîner. Ce dessert aura beaucoup d’amplitude en bouche, avec des accents francs vers le brûlé et le torréfié. En accord, un sublime Châteauneuf du Pape « La Grenade », l’idée de l’accord étant d’aller chercher le grenache sur le chocolat pour rafraîchir le dessert.

Quelques mignardises viennent accomplir un 4 mains d’une grande cohérence et d’une belle harmonie entre ces deux chefs qui partagent manifestement des valeurs communes et une passion pour leurs produits régionaux !

Le temps de saluer le travail exemplaire des chefs nous ayant fait l’honneur de cuisiner pour nous le temps d’un, soir, nous remonterons à notre charmante chambre.

Adresse : 2 Place du Mail, 26230 Grignan