Plénitude :
« État de ce qui est à son plus haut degré de développement, qui est dans toute sa force, son intensité ; intégralité » (définition du Larousse).
On croirait la définition du Larousse tout droit écrite sur le retour d’un dîner au restaurant nouvellement triple étoilé de l’inspirant Arnaud Donckele, tant elle incarne avec une précision chirurgicale, l’ampleur de l’expérience proposée et des sensations procurées.
Le restaurant Plénitude est le porte-étendard gastronomique de l’époustouflant hôtel Cheval Blanc Paris (Groupe LVMH), lui-même logé sur la glorieuse Samaritaine qui vit (enfin) sa renaissance et en fait profiter le cœur de Paris par son incontournable prestance.
Arnaud Donckele n’est pas une star d’émission culinaire, ni une personnalité particulièrement connue du grand public. Il n’a pas bâti un empire d’adresses branchées aux quatre coins du monde, ni fait de son nom une marque commerciale. A contrario, son nom se murmure entre passionnés et puristes, fait office de compliments ultimes dans la presse gastronomique, inspire les plus grands chefs au monde et laisse une trace indélébile sur les palais de celles et ceux qui ont eu le privilège de la gouter.
Nous serions tentés d’employer une pluie de superlatifs pour parler de ce Chef inspirant, de son talent hors-norme et de sa personnalité à part sur la scène gastronomique française. Mais ce ne serait pas rendre justice à ses trois obsessions : ses équipes en salle et en cuisine ; ses fournisseurs-partenaires ; et le plaisir absolu de ses convives.
La générosité du Chef et cette obsession du plaisir se vérifient dès l’annonce du concept de Plénitude : ici, chaque plat est raconté par sa sauce, symbole absolu de la gourmandise généralement relayé au second rang. Or à Plénitude, des dires du chef lui-même :
« la sauce n’accompagne pas le plat ; c’est même tout l’inverse : l’ingrédient principal devient le condiment de la sauce ».
Inutile de se prêter à l’exercice fastidieux de décrire la myriade d’assiettes dégustées ce soir-là.
Nous évoquerons toutefois, le rituel pain-beurre, porté à son paroxysme et présenté dans une sublime vaisselle en porcelaine (clin d’œil supplémentaire au végétal) : une généreuse miche à la croûte saillante s’invite à notre table, accompagnée d’un rouleau de beurre salé, perlant de gras…
Il viendra accompagné d’un trio d’amuses-bouches d’une telle splendeur que nous hésiterons à les déguster (le temps de quelques secondes seulement, évidemment…). A l’instar de cette délicate tartelette crevette citron, ce poireau frit avec sa gelée de piment, ou encore cette huitre rafraîchie par une gelée de céleri. Et on tombe littéralement sous le charme de cette dentelle de pain de seigle au beurre d’algue…. Pour porter l’ensemble, un vin rond et minéral à la fois issu de l’excellent vin de Santorin du domaine Artemis Karamolegos.
Parmi les autres plats marquants de cette symphonie gustative : la sardine fenouil tagete, sur un velours d’Eden, ou encore la truite, praire et caviar, portée par la sauce « l’ode à l’iode » – un fumet de poisson au citron caramélisé et branche de mélisse, poudre de plancton séché, jus d’haliotis, beurre noisette, huitre plate, huile d’olive citron et vinaigre de vin frio, poivre verveine… On peine à imaginer le travail réalisé en cuisine tant les sauces sont élaborées. Et quelle joie immense, de se voir laisser les saucières sur la table, pour pouvoir s’en resservir à notre guise, avec gourmandise !
En décortiquant le menu, on perçoit la dose d’humilité immense infusée chez Plénitude : le Chef et ses équipes font la part belle aux produits accessibles qu’ils subliment par un travail visant à révéler les ressources insoupçonnées de chaque produit de saison.
Toujours dans cette dynamique, on retrouve quelques clins d’œil aux origines du chef, avec un trou normand en glace pour rincer le palais et transiter vers de la chaire carnée, seul plat de viande du menu dégustation (substituable pour les non-viandards évidemment).
Le moment du fromage est lui aussi un temps fort de l’expérience Plénitude, installée dans une petite salle d’abord dissimulée, puis révélée par une porte coulissante en périphérie de l’espace principal. Cet écrin de beauté, tout de blanc et porcelaine vêtue, s’ouvre à nos sens comme une caverne d’Alibaba, où chaque fromage est un trésor insoupçonné, et parfaitement raconté par Alexandre Larvoir – qui pilote le service avec classe, modernité et un bagout remarquable.
Les desserts incarnent quant à eux le travail poignant et remarquable de Maxime Frédéric et son équipe, dans la continuité directe de l’Acte 1 version salée. On y retrouve les sauces, ici aussi ambassadrices des créations.
D’un côté, une signature de Plénitude qui raconte les origines du chef Arnaud Donckele : sa « Normandie affective », constituée de pommes, cannelle, pommeau, le tout servi avec un baume du verger, comprenez une concentration de pomme de Normandie, cannelle et râpé de pomme fraiche….
De l’autre, un hommage aux agrumes, avec une composition de six agrumes, cinq herbes douces et poivrées et une crème lactique que l’on baigne généreusement dans une sauce de macération de citron, endocarpes d’agrumes, huile d’olive de mandarine.
Enfin, quelques mignardises dressées joliment sur un montage en papier, sous forme d’ode à Paris, pour terminer le repas avec poésie et contemplation.
En conclusion :
Plénitude anoblie l’univers du très haut repas gastronomique en le connectant d’une part aux hommes et aux femmes qui produisent et transforment la matière brute, et en le ramenant dans une dimension rustique et intemporelle par ce fil conducteur des sauces qui laissent un souvenir impérissable. Autant de bouillon, vinaigrette, coulis, consommé, fumet, sabayon, sauce à manger, jus, jus condimenté, triple sauce… de quoi réviser par la même occasion son dictionnaire saucier !
Car la plus grande lettre de noblesse d’Arnaud Donckele est certainement son humanité totale, sensible, authentique, émerveillée et bienveillante, qu’il infuse avec humilité dans le concept si aboutit qu’incarne Plénitude.
Si une 4ème étoile était décernable, Plénitude ferait certainement partie de la poignée dans le monde à pouvoir y prétendre.
Plénitude
75001 Paris
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