Déjeuner chez ERH (Eau – Riz – Homme), c’est une invitation au voyage.
Proposé par Keita Keitamura, ancien second du restaurant Narisawa, le chef impose ici une vraie identité culinaire franche et marquée. Respectant les codes de la cuisine françaises qu’il maîtrise comme un maître, il teinte ses plats de touches venues d’ailleurs : le résultat est bluffant de justesse.
Un restaurant confidentiel dans le quartier Montorgueil
Il faudra d’abord traverser la Maison du Saké pour pénétrer dans une salle sous verrière éblouissante de luminosité. Respectant les codes du genre, l’établissement affiche une sobriété raffinée : mobilier boisé, vaisselle de haute qualité… Toute l’attention est portée sur l’imposant bonsai trônant au centre de la salle.
Accueillis comme des rois avec un écriteaux nominatifs sur chaque table, on retrouve l’attention si particulière aux détails des japonais qui ont prévu un repose sac pour ces mesdames…
On entame notre voyage hors du temps avec d’un côté le Chenin de Saumur du domaine Guiberteau et de l’autre avec les notes florales et fruitées du très doux saké (50% de polissage) Dassai … pendant que notre très aimable serveur nous explique qu’il s’agit d’un déjeuner Omakase.
C’est donc l’amuse-bouche qui ouvrira ce bal surprise, avec une proposition saisonnière d’huître d’Utah Beach en Normandie, accompagnée de fleur de moutarde, roquette, citron caviar et coulis de cresson. La beauté de l’assiette en dit long sur l’explosion de saveurs en bouche. Le citron caviar est déroutant, et l’alliance entre l’iode et le végétal ce fait parfaitement avec cette bouchée.
Un menu dynamique entre le Japon et la France
L’interlude se fera avec une focaccia dodue à souhait, accompagnée de son huile d’olive grecque. C’est souvent aux choses les plus simples que l’on juge la qualité générale d’un repas et cet ovni, mi-brioche mi-pain nous le démontrera… Le ramequin noir qui débarque en guise de première entrée, est petit d’apparence mais témoigne d’une grande maîtrise de la complexité avec sa truite de Banka, accompagnée de sa croquette de pomme de terre, et sa crème de poireaux, sans oublier les chips de patate douce et les oeufs de truite. C’est jouissif bien que compliqué à manger avec un contenant que l’on regrette un poil trop petit.
Les Saint-Jacques du Mont Saint-Michel, crème de citron, bergamote, navets à l’étuvé et caviar ne feront pas l’unanimité autour de la table, jugées par Monsieur trop acides pour son palais. C’est en effet un plat en amertume qui vient mettre de sacrées claques à nos papilles. Les aigus montent incontestablement avec la bergamote très concentrée et la crème de citron. De mon point de vue c’est une vraie réussite, très brute et racée.
On prend le temps de re-atterrir de cette escapade dans les aigus, pour entamer ce qui sera un très grand plat : Monsieur aura le jarret de veau et j’aurais les encornets à la plancha, tous deux accompagnés de leurs légumes de saison.
Ils seront d’ailleurs sans conteste les stars de cette assiette : radis, courgettes, brocolis… nous avons face à nous un jardin potager foisonnant de couleurs et d’odeurs. Les assaisonnements étaient tout simplement parfaits et sincères.
L’accord avec le pinot noir de Jean Fournier se fait parfaitement avec le jarret de veau grâce aux notes si caractéristiques et aromatiques de ce cépage.
Beaucoup de surprises se cachaient dans cette assiette : on passe avec bonheur du croquant au moelleux, de la douceur et à l’acidité à mesure des bouchées.
Un versant sucré abouti
C’est avec beaucoup d’habilité que le chef nous emmènera sur le versant sucrée, avec une assiette joliment dressée et une fois de plus déroutante dans ses associations : ce dessert hybride et pyramidal sera constitué d’une boule de glace au yaourt, marshmallow de verveine à la cannelle, d’une déclinaison de pamplemousse notamment en gelée-campari. Nous sommes face à différentes couches de sucrosité, allant de l’amer – pamplemousse – au suave – caramel – en passant par le neutre – glace au yaourt. Il s’agit l’a d’un dessert tout en relief permettant de clôturer une expérience culinaire avec beaucoup de finesse.
Petite déception au moment du café, avec une proposition Nespresso qui n’est pas sans nous rappeler celle que nous avions eu à l’issue de notre déjeuner au Madarin Oriental. Les jolies mignardises relèveront le niveau, avec des macarons au sesame et sesame caramélisés…
Pour conclure,
ERH joue la carte de la perfection avec des propositions aussi bien déroutantes que maîtrisées. Il n’y pas d’artifices, ni d’anecdotique dans les assiettes du chef Keitamura. Il prouve ici que créativité et délicatesse peuvent s’associer à merveille.
Avec un menu dégustation aussi complet au déjeuner à 42€, on ne peut que vous recommander d’y courir avant que l’adresse ne devienne trop prisée !
Cette table n’attend que son étoile…
Adresse :
11 Rue Tiquetonne,
75002 Paris
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