Peut-être n’êtes vous pas au courant, mais André Chiang est une star ultra-renommée de la scène gastronomique singapourienne et plus largement asiatique. Si chacun de ses restaurants a sa propre identité, André restaurant constitue l’épicentre de la cuisine gastronomique inspirée que propose ce jeune et talentueux chef. A la tête d’un “petit” empire de cinq établissements, allant de Taiwan (Raw) à Paris (Porte 12), nous avons eu la chance de nous assoir à sa table lors d’un déjeuner et de l’interviewer.
On trouve chez André, deux types de menus distincts : le premier, celui du déjeuner est élaboré en fonction des produits du marché, disponibles chaque jour. Avant que les fournisseurs (du Japon, et d’ailleurs) ne lui apportent la matière première, le chef et son équipe ne savent pas ce qu’ils proposeront quelques heures plus tard à leur client. Le menu du soir est quant à lui rythmé par 8 thèmes : Unique, Pure, Texture, Memory, Salt, South, Artisan, Terroir et s’intitule tout naturellement octaphilosophy.
A l’arrivée, on monte à l’étage d’une sorte d’hôtel particulier, pour découvrir une salle intime, constituée d’une quinzaine de table. Mobilier Platner (notamment), très belle vaisselle Christofle, porcelaine Legle, ou encore couvert Boxer Japan, ces éléments tous très sélectionnés, nous rappellent que nous n’avons pas atterri chez le traiteur du quartier…
Après avoir pris place sur nos tables nappées, on fait connaissance avec l’équipe en salle, un sommelier japonais qui parlent couramment français et propose principalement des vins natures pour accompagner nos plats, un Allemand, et même un français.
Les amuse-bouches intitulés chez André “Snacking” débarquent alors que l’on s’amuse du “banc-mouton” présent à chaque table pour supporter les sacs des mesdames, une attention fortement appréciable.
Les supports, substituts de nos assiettes traditionnelles, sont tous plus originaux les uns que les autres et mettent en avant des bouchées tout autant surprenantes : l’huître du Japon associé au poulet de Bresse s’avère être une agréable surprise, le gin tonic au pamplemousse et à l’olive noir de Kalamata a beaucoup de peps tandis que le petit roulé de porc au caviar de truffe est une tuerie de douceur et de générosité. Dans le même temps, on s’extasie devant le coquillage et son foi gras de coquillage, une très belle réussite, surtout en termes de snack. Une entrée en matière sur les chapeaux de roues, qui promet un déjeuner bariolé et inspiré !
Vient ensuite le “jardin de Noirmoutier” avec son sable de chocolat, constitué notamment de champignons en meringue de truffe. Un périmètre carré intéressant, qui clôture avec la crevette crue sur son pain de carbone et sa sauce de piquillos, une version du snacking que nous n’avions jamais expérimenté jusqu’alors.
Pendant cet intermède, on grignote le pain maison, en admirant la salle d’un blanc immaculé. A ce moment, notre premier plat débarque, il s’agit d’un ceviche version André, parsemé de tranches de Saint-Jacques en trois façons : concombre, gelée de pomme et avocat. On retrouve toute la maîtrise technique du chef passé chez les plus grands, dans la complexité du plat et la justesse des associations. Le jus de coco calamansi vient enrober le caviar noir, tandis que la gelée de pomme vient assoir notre bouchée d’une longueur sucrée.
Ce qui nous attendait ensuite est digne de figurer dans le guinness des records de gourmandise ! Ces pâtes de baby squid, baignant dans du jus de kelp (algue) avec une mousse de pomme de terre, parsemées de graines rôties et des crispy de wakame nous ont clairement cloué le bec. On s’extasiait à chaque bouchée pour la délicatesse et la subtilité de cette sauce verdoyante ainsi que la cuisson parfaite des squids !
Bouches bées, on attend la suite avec impatience : le chinchard poêlé arrive, accompagné de ses pommes de terre frites et des ses radis, oignons et autres céleris. Ce plat, s’avère être plus classique que ses prédécesseurs mais n’en est pas moins bien maîtrisé et intéressant. La cuisson est encore une fois impeccable et les jeux de textures rivalisent d’ingéniosité à chaque bectée !
Entre temps, le chef d’une gentillesse extrême tenait à nous faire goûter son plat signature, présent uniquement à la carte du soir. Élaboré en 1997 lorsqu’il travaillait à Paris, ce dernier consiste en une gelée de foi gras, parsemé en sa surface de généreux morceaux de truffes, le tout étant surplombé d’un jus très corsé. Cette verrine concentre toutes les saveurs caractéristiques de la noblesse des produits français, un plat signature qui mérite le coup de cuillère !
C’est au tour du pigeon de Bresse de faire son entrée, camouflé sous des choux de Bruxelles, du granola, de l’ail noir et des pomme de terre cuites sur la peau. Un plat pour le moins gourmand et généreux qui nous apporte notre dose protéinée de l’année. On aime particulièrement les pommes de terre croquantes, qui contrastes avec les choux de Bruxelles coupés aussi finement.
Vient ensuite un plat 100% green constitué d’une “texture” de légumes verts, des petits pois croquants, d’un espuma de matcha et du merveilleux shiso. Je suis carrément envoutée par ce dernier plat salé, qui joue parfaitement son rôle transitif vers le dessert, avec des notes sucrées apportées naturellement par les petits pois et le matcha. Un délice savamment maîtrisé, qui prouve une fois de plus que le chef André ne laisse rien au hasard et accompagne tranquillement nos palais tout au long du déjeuner du salé au sucré.
L’intermède sucré, un parfait pèche, à la fleur de coriandre et au coulis de framboise vient définitivement titiller nos papilles, qui n’attendent qu’à découvrir la suite.
C’est le chef André en personne qui vient nous présenter son dessert : il débarque avec une assiette brute remplie d’œufs, de farine, de chocolat, de morceaux de sucre, de beurre et de lait, nous précisant qu’il n’a jamais été bon pâtissier et qu’il délègue cette fois le travail au client (ironique lorsque l’on sait qu’il était en charge de la pâtisserie dans l’un de ses anciens restaurants, l’Astrance si je me souviens bien). Curieux, nous décidons de gouter un à un les ingrédients qui nous sont présentés, poudre de yuzu, dôme de mangue, sirop de litchi… chacun des élément apprécié séparément avait son intérêt ! On finit par tout mélanger, comme cela nous a été demandé de le faire (amusant dans un restaurant si haut de gamme), et la première bouchée est sans appel : cette purée bouillassée est clairement un prodige gustative, on n’en revient toujours pas !
Nous prendrons notre délicieux café au dernier étage de l’établissement André, un endroit plus cozy où le chef dispose ses différents prix, ses livres et ses œuvres d’art (car oui ! en plus d’être un chef prodige, c’est un artiste). Nous apprenons lors de notre interview, qu’André Chiang a été élevé dans un environnement très créatif : sa mère tenant un restaurant chinois au Japon, ses frères et sœurs exerçant dans des domaines artistiques, nous comprenons donc rapidement d’où vient cette créativité débordante, mise au service d’une cuisine inspirée et toujours très surprenante. Il alimente une capacité d’auto-challenging constante, en ne sachant pas le matin ce qu’il cuisinera pour ses convives au déjeuner. Les mignardises qui accompagnent notre café sont présentées dans une boîte à couture traditionnelle, laissant découvrir au fur et à mesure de l’ouverture, des délices tous plus inspirés les uns que les autres : gelée d’earl grey, sucette glacée, madeleine maison, chocolat noir d’une incroyable intensité, nos estomacs pourtant repus, ne peuvent en laissant une miette !
Pour conclure :
Le restaurant André, témoigne de l’inventivité débordante du chef, qu’il accompagne d’une maîtrise technique parfaite (rappelons qu’il a notamment été formé par Pierre Gagnaire, qu’il est passé à L’Atelier de Jöel Robuchon, L’Astrance, La Maison Troisgros et Le Jardin des Sens). Sa cuisine, inspirée et bourrée de caractère, possède une véritable ADN, on reconnait la patte de ce chef-artiste à chacune de nos bouchées… Un plaisir et une expérience gustative à vivre !
Adresse :
41 Bukit Pasoh Rd,
Singapour 089855
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