Un gastro à vins natures

On ne s’attendait pas à trouver dans les rues d’Helsinki, une si petite adresse, constituée de seulement 18 couverts, où s’affairent deux talentueux chefs et un sommelier canadien, passionné de vins natures… C’est donc le lendemain du jour de l’an (jour où il n’y a pas foule), que l’on décide de pousser la porte de Spis et de s’installer derrière le comptoir à deux places donnant directement sur les cuisines.

C’est avec plaisir que nous échangeons avec le manager de la salle jouant aussi bien son rôle que celui de sommelier : il prend le temps de nous expliquer le positionnement très saisonnier du restaurant, qui ne source quasiment que des produits qu’offre la terre Finlandaise et propose un menu avec accord mets et vins natures (demi-verres possible)…

Une déclinaison d’amuses

On entre en matière avec des amuses très racés qui annonce un dîner d’une poignante naturalité. La croustille de gruau frite et sa pointe de crème de livèche, accompagnée d’un vin coup de cœur intitulé Madloba, subtile mais puissant nous donne une gifle tout juste assis…
Une planche de bois débarque ensuite, avec des légumes très saisonniers : carotte, racine de persil, concombre asiatique (plus amère que le concombre classique). Tous sont assaisonnés et déclinés avec des saveurs céréalières qui fusent dans tous les sens.
Pour conclure cette farandole introductive, le chef nous sert un saucisson de chanterelle accompagné de confiture d’oignons. Une association osée mais finalement très réussie.

Une succession d’assiettes avec des accords déroutants

Notre première entrée met à l’honneur la betterave, un légume que l’on retrouvera à plusieurs reprises durant notre séjour Finlandais, accompagnée de graines de tournesols, de nougat, et d’une régressive crème aux saveurs de noisette… Le sommelier nous sert pour l’accompagner un déroutant Gewrzt ayant une très forte minéralité, venant délicieusement enrober le côté terreux de la betterave.

C’est ensuite au beurre maison de prendre place sur notre comptoir boisé, que l’on tartine généreusement sur un pain de blé accompagné d’Opale  un liquide ultra charmeur d’Eric Texier. Notre accord vin et pain est accoudé d’une petit plat intriguant dont les boules blanches interrogent… il s’agit d’un fromage suisse aux saveurs douces de noisette, qui côtoient gentiment les notes plus amer des oignons marinés, le tout haussé de petits croutons qui lient les différents éléments de notre plat. Un gros coup de cœur pour ce trio met, vin, pain, où la simplicité et la juste franchise des saveurs décontenancent et triomphent.
Émoustillés, on enchaine avec un verre de Buteo 12, un Grüner Veltliner (cépage Autrichien que nous adorons) au fini huileux et rond, cette fois-ci chapeauté par une plat tout aussi brut que le précédent à savoir une tarte aux choux, avec un feuilleté ultra régressif et vinaigré, surplombé de petites graines d’avoine…
On découvre ensuite le cépage Altesse de 2006, auquel nous n’avions jamais été confronté,  fumé aux notes de chêne, rondes sur la fin, avec un pain de malte délicieusement parfumé ! Un intermède qui laisse ensuite débarquer un plat coup de cœur : Saint Jacques cuites à basse température, avec une crémeuse purée de panais et une sauce légère à l’huile de canola. Efficace, ce plat est incisif de gourmandise malgré la simplicité des produits choisis.

La transition vers les plats principaux se fera avec une glace au bourgeon de sapin faisant ici office de trou normand. Encore une fois, les mots “brut”, “sauvage”, ou encore “indomptable” nous viennent à la bouche pour qualifier cette coquille glacées, jouant la parfaite transition entre les deux plats (les quelques grains de sel la surplombant y sont pour beaucoup !).
Ce sera un Cheverny que nous avions découvert à Etna qui accompagnera notre plat principal et notre pain d’avoine et graine de tournesol. Ma sublime et généreuse truite en arc en ciel titille les racines de persil, la réglisse, les groseilles, et la purée de pomme de terre qui m’apportent une émotion telle que ce plat s’inscrit dans la lignée des plus délicieux que j’ai été amenée à déguster.

Un versant sucré intéressant

On passe désormais sur le versant sucré, avec un pré-dessert rappelant le baba au rhum mais en version plus liquéfiée avec de la poire, du rhum et de la crème très onctueuse…
Nos papilles désormais accoutumées à la douceur des notes sucrées, s’attaque à un dessert d’une franchise extrême : on y retrouve un gâteau de malt, du chocolat, des myrtilles, une glace à l’avoine, et des graines de café torréfiées, qui s’accordent parfaitement à la glace douce et laiteuse. On retrouve également un aspect fumé, brut et terreux dans ce dessert qui nous sera servi avec un bière Norvégienne extrêmement légère.

Notre digestif, sera accoudé d’un logo géant sur lequel trône un petite bouchée de marmelade, une pâte de fruit à la pomme, un lingot de réglisse, et un carré de chocolat-pomme de terre… Une manière de terminer avec un côté décalé que nous avons tant apprécié pendant tout le repas…

Pour conclure :

Spis est une table-vaisseau nature et décontracté, qui pourrait décontenancer par la naturalité et le côté ultra-brut de ses créations toutes imprégnées des saisons. On aime le service, le côté décalé servant les vins dans des verres sans pied mais aussi le côté coup de fouet de ses assiettes… Bref, Spis est un véritable joyaux de perfection perché sur Helsinki que nous ne pouvons que recommander !

Adresse :
Kasarmikatu 26,
00130 Helsinki, Finlande